Robert Filliou – Le secret de la création permanente
Event
M HKA, Antwerpen
13 October 2016 - 22 January 2017
Dans les années à venir, le M HKA va dédier une série d’expositions à des figures clés de l’art expérimental de la seconde moitié du XXe siècle dont la présence à Anvers au cours des années 60 et 70 aura été marquante. Nous commençons par le poète, dramaturge, plasticien et penseur françaisRobert Filliou (1926-1987). Cet automne, nous montons une rétrospective complète de son œuvre plastique – la première en Belgique – avec plus de cent œuvres originales et multiples provenant de collections privées et publiques à travers l’Europe.
Plus radical, plus fondamentalement provocateur, mais aussi plus subtil et plus discret que la plupart de ses contemporains et pairs, Filliou devrait être un nom connu d’un très large public. À travers cette exposition, nous souhaitons démontrer aux visiteurs d’aujourd’hui et de demain que Filliou n’est pas seulement l’un des artistes les plus influents du passé récent, mais qu’il demeure une voix éminemment pertinente pour notre époque, lui qui a abordé l’économie politique et poétique, la curiosité, et qui insistait sur « l’idée que la recherche est le privilège de ceux qui ne savent pas, et non pas le domaine de ceux qui savent » ; lui qui parlait de convivialité et de jeu, mais aussi de la solitude comme d’un état productif et désirable.
Filliou est souvent associé au mouvement Fluxus, mais n’en a jamais fait partie, ni d’aucun autre groupe ou courant, bien qu’il ait travaillé en étroite collaboration avec des amis comme les artistes Daniel Spoerri et Dieter Roth, le compositeur et artiste George Brecht, le poète Emmett Williams ou l’architecte et artiste Joachim Pfeufer.
Avec ses collaborateurs – en premier lieu sa femme, Marianne Staffeldt Filliou –, il a inventé bon nombre de concepts, qu’il a aussitôt introduits dans son œuvre, comme « le réseau éternel » (des personnes partageant les mêmes affinités à travers le monde entier) ; « la République géniale » (dont le territoire ne peut jamais être revendiqué par quiconque) ; « le Principe d’équivalence » (entre le « bien fait », le « mal fait » et le « pas fait »), une attaque directe de la primauté du jugement esthétique dans la culture occidentale ; Enseigner et apprendre – Arts vivants (le titre de son livre publié en 1970) ; et peut-être le concept le plus important : « la Création permanente ».
C’est Marianne Staffeldt Filliou qui a un jour affirmé : « Tu es artiste quand tu crées. Mais quand tu t’arrêtes, tu n’es plus artiste. » Filliou avait conscience du besoin de rompre avec la conception conventionnelle de la créativité comme quelque chose d’exclusif, hors du monde. Un de ses multiples porte l’inscription « L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art. »
« Le secret de la création permanente : quoique tu penses, pense autre chose. Quoi que tu fasses, fais autre chose. Le secret absolu de la création permanente : ne désire rien, ne décide rien, ne choisis rien, sois conscient de toi-même, reste éveillé, calmement assis et ne fais rien. » – Robert Filliou
Si cela ressemble à du bouddhisme zen, ce n’est pas une coïncidence. Filliou était un fin connaisseur de l’Extrême-Orient. Il a étudié l’économie politique aux États-Unis après la guerre et a fait partie de l’équipe des Nations unies qui a rédigé en 1953 un « Plan quinquennal pour la reconstruction et le développement de la Corée du Sud », avant d’abandonner sa carrière pour mener la vie précaire d’un esprit créatif. Son décès prématuré a interrompu sa retraite dans un monastère bouddhiste censée durer trois ans, trois mois et trois jours.
Le Secret de la Création permanente n’est pas uniquement un hommage à l’art et à la pensée de Robert Filliou, mais un rappel de sa relation intime avec la Belgique. Il a présenté deux expositions individuelles à la galerie Wide White Space à Anvers, en 1971 et 1972, et a collaboré de longues années avec les éditions d’art Lebeer-Hossmann à Bruxelles. De nombreuses collections privées belges, ainsi que la collection permanente du M HKA possèdent des œuvres de Robert Filliou.
L’exposition est organisée par Anders Kreuger, commissaire d’expositions au M HKA, avec la consultance de Cécile Barrault, commissaire d’expositions indépendante basée à Paris. Le M HKA tient à remercier tous les prêteurs pour leur générosité, en particulier la galerie Peter Freeman à Paris qui administre la succession de l’artiste, la Robert Filliou Estate. Le catalogue, coédité par le M HKA,Mousse Publishing et les Éditions Lebeer-Hossmann, s’inspire d’une longue interview inédite de Robert Filliou réalisée par Irmeline Lebeer en 1976.
Lire le texte de Michel Giroud sur la vie de Robert Filliou ici.
Ici vous pouvez regarder la vidéo d'ARTtube.